Anna Mermet
« Le temps dont nous disposons chaque jour est élastique; les passions que nous ressentons le dilatent, celles que nous inspirons le rétrécissent, et l'habitude le remplit. » Marcel Proust
A L'ombre des jeunes filles en fleurs 1919
A l'origine, lire c'est cueillir. Je lis et je recueille.
La lecture est la première étape de mon travail, le temps d'une récolte contemplative. Aux mots et aux histoires de Giono, Perec, Proust, et d'autres, s'ajoute le fruit de mes glanages quotidiens.
J'accumule les sons, les gestes, les objets; j'accumule des histoires banales, des histoires de répétitions et d'habitudes, qui sont comme des miroirs
Des histoires qui dilatent le temps.
Glaner, un réflexe quotidien lié au hasard, un regard posé avec lenteur sur le monde qui m'entoure.
Mes gestes vont ensuite user les surfaces, remplir le temps, l'inscrire dans la matière. Gestes-labeur qui laissent des traces, chuchotent des sons, prennent sens en devenant ouvrage.
Gestes concentrés, au plus près du temps qui passe, invitation à la méditation.
Gestes répétitifs qui dilatent mon temps.
Son feutré de la plume qui trace par dessus les caractères imprimés d'un livre, son que je voudrais distordre, user, compresser, pour que la matière sonore s'agglutine, qu'elle prenne consistance.
L'écoute dilate le temps.